AI: Beyond Digital Media, the Arts

Nous avons eu le plaisir d’accueillir Samuel Bianchini, enseignant-chercheur à l’ENSAD (École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs), lors de notre événement dédié à l’impact de l’IA dans les secteurs de la création organisé dans le cadre de l’AI Summit. Son intervention a exploré l’esthétique et l’art interactif à travers le prisme de l’intelligence artificielle, mettant en lumière des œuvres marquantes et des approches innovantes.
L’IA générative au service de l’art
Samuel Bianchini a introduit son propos en présentant plusieurs exemples d’œuvres qui s’inscrivent dans la dynamique actuelle de l’intelligence artificielle générative.
Anna Ridler et son dataset de tulipes (2018) : Cette artiste a conçu son propre dataset d’images de tulipes pour entraîner un modèle génératif. Son approche met en avant la transparence et la maîtrise des outils technologiques par les artistes. Une de ses installations révèle visuellement l’explosion de ce dataset, illustrant ainsi la puissance et les limites des IA génératives. Elle a également exploré la corrélation entre l’art et l’économie en produisant une série où l’évolution des images de tulipes est dictée par le cours du bitcoin, en référence à la crise des tulipes au XVIIe siècle aux Pays-Bas.
L’utilisation des collections du MoMA : Un autre projet suit cette même logique, en exploitant un dataset constitué des cinq collections du célèbre musée d’art moderne. L’enjeu soulevé ici est fondamental : l’IA produit-elle une œuvre originale ou une simple moyenne des œuvres existantes ? Cette question interroge également l’impact écologique de l’IA, notamment son coût énergétique.
Vers une intelligence artificielle multimodale et tangible
L’un des aspects les plus fascinants de l’IA aujourd’hui est son potentiel multimodal. Nous assistons à des productions où un texte peut générer une image, un son, voire une vidéo. Mais l’inverse est aussi possible : partir d’une image pour produire un texte ou du son. Cependant, Samuel Bianchini insiste sur une limite fondamentale :
« L’IA reste essentiellement une intelligence calculatoire, produisant et exploitant des médias. Comment alors négocier avec le monde réel, tangible, fait d’odeurs, de matières, de chair ? »
Il cite Rodney Brooks, auteur de Flesh and Machines (2003), qui questionne la relation entre l’univers du calcul, immatériel en apparence mais extrêmement énergivore, et le monde physique de la robotique.
Robotique, apprentissage adaptatif et interaction en temps réel
L’intelligence artificielle trouve aussi des applications passionnantes dans le domaine de la robotique et des installations interactives.
Samuel Bianchini partage l’exemple d’une œuvre qu’il a conçue pour les Digital Days à l’Université Paris-Dauphine : un projecteur dont le mouvement se développe de manière quasi-comportementale. D’abord manipulé à la main, l’appareil a ensuite appris par machine learning, développant des trajectoires à la fois imprévisibles et cohérentes esthétiquement.
L’apprentissage par renforcement, qui repose sur un système d’essai-erreur, se retrouve également dans des installations interactives. Lors de la Biennale de Saint-Étienne, il a présenté trois objets apprenant les uns des autres pour s’accorder progressivement, illustrant une forme d’intelligence artificielle relationnelle qui s’inscrit dans la logique de l’Internet des Objets (IoT).
Enfin, il évoque l’intégration de l’IA dans des systèmes en temps réel, comme dans une œuvre inaugurée à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, où l’interaction esthétique et technologique vise à influencer la respiration des spectateurs. L’installation s’adapte aux réactions du public, explorant ainsi le lien entre perception et machine.
Conclusion : Un équilibre entre innovation et responsabilité
L’intelligence artificielle ouvre de vastes perspectives pour l’art, de la génération d’images à l’apprentissage adaptatif en passant par les interactions en temps réel. Cependant, comme le souligne Samuel Bianchini, il est essentiel d’interroger en permanence les implications énergétiques et esthétiques de ces nouvelles pratiques. Entre fascination et vigilance, l’art numérique construit peu à peu un dialogue entre l’humain et la machine, repoussant sans cesse les limites de la création.
Cet échange riche et stimulant a permis de mieux comprendre comment l’IA transforme le paysage artistique, tout en soulevant des questions essentielles sur la place de la technologie dans notre rapport au monde tangible et sensible.
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