Diversité en entreprise : changer les méthodes plutôt que les mentalités

À l’invitation de la communauté Decision Makers, Olivier Sibony a livré une critique incisive des politiques de diversité en entreprise. En s’appuyant sur les sciences comportementales, il propose une refonte des pratiques d’évaluation et de recrutement. Objectif : dépasser les slogans pour enfin obtenir des résultats.
La diversité, un consensus sans impact
L’argument est bien connu : des entreprises plus diverses seraient plus performantes. Mais selon Olivier Sibony, cette idée largement relayée, y compris par de grandes études comme Women Matter de McKinsey, ne repose sur aucune preuve solide. « Toutes les recherches rigoureuses convergent : la diversité n’a pas d’effet mesurable sur la performance économique. Ni positif, ni négatif », affirme-t-il. Un constat dérangeant qui ne remet pas en cause la légitimité éthique et légale des efforts de diversité, mais fragilise les discours fondés exclusivement sur des promesses business.
Le vrai problème : une sélection biaisée des leaders
Si la diversité stagne, ce n’est pas uniquement à cause des stéréotypes de genre. Le cœur du problème réside selon Olivier Sibony dans les processus de sélection eux-mêmes. Les entreprises continuent de promouvoir un modèle unique du leader, confiant, charismatique, ambitieux, disponible 24/7, qui exclut de nombreux profils, féminins ou non. « On croit évaluer le mérite, on évalue la ressemblance avec les leaders déjà en place. C’est ce que j’appelle la ‘miroirocratie’ », explique-t-il. Résultat : non seulement les femmes accèdent peu aux postes de direction, mais les dirigeants choisis ne sont pas forcément les plus compétents.
Changer les méthodes, pas les esprits
L’erreur majeure des politiques actuelles, selon Olivier Sibony, est de croire que la sensibilisation suffira. Or, les formations à la diversité, un marché de 7 milliards de dollars aux États-Unis, se révèlent souvent inefficaces, voire contre-productives. « Ce ne sont pas les mentalités qu’il faut transformer, ce sont les méthodes », martèle-t-il. L’exemple des magistrats, 66 % de femmes aux postes de haut niveau, montre que des processus de sélection mieux conçus font toute la différence.
Des leviers concrets pour faire évoluer les pratiques
L’auteur propose plusieurs pistes immédiatement actionnables : revoir le langage des offres d’emploi, encadrer les négociations salariales à l’embauche, systématiser le mentorat (voire le sponsoring), ou encore privilégier les recrutements groupés qui limitent les biais de comparaison. Autre idée phare : remplacer l’auto-candidature aux postes internes par un repérage actif des talents. « Lorsqu’on demande aux gens de postuler eux-mêmes, on sélectionne les plus confiants, pas les plus compétents », souligne-t-il.
Un appel à l’expérimentation dans les organisations
Face à des modèles figés, Olivier Sibony plaide pour une culture de l’expérimentation : tester, mesurer, ajuster. « 99 % des articles sur la diversité se contentent de décrire les problèmes. Il est temps de passer à l’action. » Si les quotas peuvent jouer un rôle de déclencheur, il dit avoir changé d’avis sur leur utilité, ils ne suffisent pas sans une remise à plat des critères de sélection et des normes de leadership.
L’enjeu n’est pas seulement moral. Pour Olivier Sibony, améliorer la diversité revient à mieux choisir ses dirigeants. « Si vous partez d’un vivier équilibré et que vous n’avez que 10 % de femmes à l’arrivée, c’est que vous vous êtes trompé quelque part. » Loin des postures, son message trace une voie exigeante mais pragmatique : celle d’une entreprise qui interroge ses pratiques plutôt que d’invoquer des principes.