Julie Gayet et Véronique Le Bris : faire vivre la mémoire du cinéma au féminin
À l’occasion d’un talk organisé chez we are_, Julie Gayet et Véronique Le Bris ont échangé autour des figures féminines du cinéma, de la mémoire collective et des défis encore actuels pour les femmes du 7ᵉ art. Une rencontre ponctuée par la présentation du dernier livre de Véronique Le Bris, consacré à la pionnière Alice Guy La plus audacieuse des pionniers du cinéma.
Alice Guy, une pionnière oubliée
Première réalisatrice de fiction dès 1896, Alice Guy a tourné, produit et distribué des centaines de films en France et aux États-Unis. Elle fonde même sa propre société de production, la Solax Company, en 1910, et dirige de nombreuses équipes techniques à une époque où les femmes sont rares dans les studios. Pourtant, son nom disparaît progressivement des récits officiels du cinéma. Pour Véronique Le Bris, cette invisibilisation n’est pas un cas isolé mais emblématique d’un phénomène plus large. « Le récit dominant du cinéma a longtemps été écrit au masculin », rappelle-t-elle. Redonner sa place à Alice Guy, c’est donc aussi interroger notre manière de raconter l’histoire du 7ᵉ art.
Des trajectoires de femmes engagées dans l’action
Julie Gayet, qui connaît bien le sujet en tant que productrice indépendante, voit dans le parcours d’Alice Guy une source d’inspiration. Son propre engagement prend forme à travers la création de sa société de production Rouge International, ou encore du festival Sœurs Jumelles à Rochefort, qui croise musique et image tout en promouvant la parité dans les métiers culturels. Elle évoque également son travail au sein du collectif 50/50, qui milite pour l’égalité dans le cinéma et l’audiovisuel, à travers des chartes de bonne conduite, des études de représentations, et un accompagnement des femmes professionnelles du secteur. « Il y a aujourd’hui une vraie prise de conscience, mais encore trop peu de moyens structurels pour faire bouger les choses en profondeur », note-t-elle.
Quand la mémoire devient outil d’émancipation
Au fil de l’échange, les deux intervenantes soulignent combien la mémoire peut être un levier d’émancipation. En remettant en lumière les grandes oubliées du cinéma, on montre aussi que les femmes ont toujours été présentes (comme créatrices, techniciennes, productrices) même si leur contribution a été peu reconnue. Pour Véronique Le Bris, le travail de recherche biographique est essentiel : consulter les archives, retrouver les génériques d’époque, identifier les œuvres disparues ou attribuées à tort. « On découvre ainsi qu’Alice Guy a inspiré des générations de cinéastes, bien avant que le mot « réalisatrice » ne soit couramment utilisé. »