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L'énergie en 2050 - Bertrand Piccard 

30 Sep 2024

Cet article est issu du talk de Bertrand Piccard, psychiatre, explorateur et pionnier de l’aviation solaire, lors de l’événement « We Are Demain », organisé les 20 et 21 septembre 2024. 

Bertrand Piccard et la crise énergétique, vers une transition énergétique réussie grâce à l’efficience

Dès le début de son intervention, Bertrand Piccard rappelle l’urgence de la situation. 60 % du Brésil brûle, la moitié de l’Europe centrale est sous l’eau… Le changement climatique est bien là, et l’explorateur s’insurge contre les discours classiques qui se contentent d’appeler à réduire l’utilisation des énergies fossiles sans véritablement proposer de solutions concrètes.

Selon le fondateur de Solar Impulse, la solution ne réside pas dans la simple réduction de la production énergétique mais dans une modernisation totale de notre rapport à l’énergie. Le véritable problème, affirme-t-il, est le gaspillage massif d’énergie.

« 3/4 de l’énergie dans le monde sont gaspillés entre la production et l’utilisation, que ce soit à cause d’infrastructures obsolètes ou de comportements aberrants. »

La métaphore de la baignoire : Un système énergétique archaïque

Pour illustrer cette inefficience, Bertrand Piccard fait une métaphore entre notre consommation d’énergie et le cas d’une baignoire avec une fuite. Plutôt que de réparer la fuite, le monde actuel se contenterait d’ouvrir davantage le robinet pour compenser la perte. Cette approche axée sur l’augmentation constante bien que dominante serait absurde.

Bertrand Piccard insiste sur la distinction essentielle entre sobriété et efficience. La sobriété, souvent perçue comme un sacrifice, implique de faire avec moins. L’efficience, en revanche, consiste à obtenir plus avec moins. C’est une amélioration qui permet de conserver un niveau de confort équivalent, voire supérieur, tout en réduisant la consommation d’énergie.

« L’efficience, c’est diminuer la consommation tout en obtenant un meilleur résultat. Ce n’est pas un sacrifice, mais un bénéfice. »

Solar Impulse : La révélation de l’efficience

Bertrand Piccard est particulièrement bien placé pour parler d’efficience, ayant réalisé un exploit historique avec Solar Impulse, le premier avion à énergie solaire à faire le tour du monde. Lors de ce vol, il a fait une découverte marquante : 

« Je volais en 2016, avec les technologies de 2016, et pourtant, mes hélices tournaient sans bruit, sans pollution, et sans émission. Cela m’a fait réaliser que le reste du monde est coincé dans le passé, avec des moteurs à combustion qui gaspillent 80 % de leur énergie. »

En effet, les moteurs à combustion des voitures actuelles ont un rendement de seulement 20 %, alors que les moteurs électriques de Solar Impulse atteignaient 97 % de rendement. Cette différence illustre à quel point notre système énergétique est inefficace, et montre que les technologies existent déjà pour rendre nos modes de vie plus durables.

Moderniser plutôt que décarboner

Bertrand Piccard va plus loin, en remettant en question le narratif dominant autour de la décarbonation. Il estime que prôner la décarbonation comme une fin en soi ne fait qu’effrayer les décideurs économiques, qui associent ce discours à des pertes d’emplois et à un coût élevé pour les entreprises. 

 « Quand vous dites qu’il faut décarboner, on vous répond que c’est cher, que cela freine le développement économique. Mais en fait, il s’agit de moderniser, et la décarbonation suivra naturellement. »

La clé, selon Bertrand Piccard, est de moderniser les infrastructures et les processus industriels de manière à rendre l’économie plus rentable, tout en réduisant les émissions de carbone. Il cite notamment des exemples concrets de solutions technologiques déjà en place, telles que l’éclairage public avec des lampadaires solaires et des LED, qui permettent de réduire la facture énergétique de 37 %.

Le Potentiel des Energies Renouvelables et de l’Efficience

Un autre point central de la présentation de Piccard est la démonstration que les énergies renouvelables sont non seulement viables, mais déjà plus rentables que les énergies fossiles. Il cite des exemples frappants :

« Aujourd’hui, le coût de production de l’énergie solaire au Portugal est de 1,5 centime par kilowattheure, et de 1,2 centime aux Émirats. À titre de comparaison, l’éolien et le nucléaire coûtent entre 6 et 8 centimes, et le pétrole est encore plus cher. »

Bertrand Piccard souligne que la transition énergétique n’est pas seulement nécessaire pour lutter contre le changement climatique, mais qu’elle est également économiquement rentable. Il estime que l’efficience énergétique représente le plus grand marché industriel du XXIe siècle, avec un potentiel immense de création d’emplois et de croissance économique.

Le gaspillage : un problème structurel

L’une des statistiques les plus frappantes que Bertrand Piccard partage concerne le gaspillage énergétique dans l’industrie. Il explique qu’un tiers de l’électricité mondiale est consommée par des moteurs électriques industriels, notamment pour faire circuler des liquides, des poudres, et des gaz. Pourtant, au lieu de réduire la puissance des moteurs pour adapter le flux, ces systèmes augmentent simplement la résistance dans les tuyaux, ce qui entraîne un gaspillage colossal d’énergie.

« Nous devons changer cette manière de fonctionner, car rendre notre monde efficient représente une opportunité économique, industrielle, et financière sans précédent dans l’histoire de l’humanité. »

L’importance du stockage et de la mobilité

Le stockage d’énergie est également un enjeu crucial pour l’avenir des énergies renouvelables. Betrand Piccard met en avant plusieurs solutions, comme le pompage-turbinage, qui consiste à utiliser des lacs à différentes altitudes pour stocker et libérer de l’énergie en fonction des besoins. Il évoque aussi le rôle des voitures électriques dans ce processus :

« Les voitures électriques roulent seulement 5 % du temps. Pendant les 95 % restants, elles devraient être connectées au réseau pour servir de dispositifs de stockage. »

Cependant, il déplore que les chargeurs de voitures électriques actuels ne soient pas bidirectionnels, empêchant ainsi d’utiliser cette énergie stockée de manière intelligente.

Une révolution à portée de main

Bertrand Piccard conclut son intervention en insistant sur la nécessité d’adopter une vision réaliste et pragmatique de l’écologie. Selon lui, il est possible de protéger l’environnement tout en créant des emplois, en augmentant la rentabilité des entreprises, et en modernisant nos infrastructures.

« Nous avons identifié 1 780 solutions rentables qui permettent de protéger l’environnement tout en assurant le développement économique. Nous devons simplement les mettre en œuvre à grande échelle. »

Pour lui, l’avenir de l’énergie réside dans une révolution de l’efficience, où chaque kilowattheure est utilisé de manière optimale, et où les énergies renouvelables prennent leur juste place dans une économie modernisée et prospère.

Le futur de l’énergie, tel que présenté par Bertrand Piccard, n’est pas une utopie, mais une réalité accessible dès aujourd’hui. En adoptant les technologies déjà disponibles et en optimisant notre consommation d’énergie, nous pouvons créer un monde plus propre, plus juste, et plus rentable.

Pour retrouver l’intégralité du talk ↓

https://www.youtube.com/watch?v=6qQNcZIBqW4

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