L’espace en 2050 - Caroline Freissinet
Cet article est issu du talk de Caroline Freissinet, chargée de recherche CNRS au LATMOS, lors de l’événement « We Are Demain » organisé les 20 et 21 septembre 2024.
Le futur de l’exploration spatiale : Entre quête de vie et défis technologiques
Lors de l’événement We Are Demain, Caroline Freissinet, scientifique spécialiste de l’exploration spatiale, a transporté l’audience dans les profondeurs du cosmos. Avec un enthousiasme communicatif, elle a partagé sa vision de l’avenir de l’espace, un avenir à la fois fascinant et empli de défis, où la recherche de vie extraterrestre et l’exploration humaine occupent une place centrale. Cette intervention s’est penchée sur plusieurs sujets cruciaux, de l’exploration des planètes du système solaire aux enjeux politiques et technologiques de l’exploration spatiale.
La richesse insoupçonnée du système solaire
Pour beaucoup, le système solaire se limite à ses huit planètes, une vision simplifiée qui occulte sa véritable diversité. Caroline Freissinet a souligné que notre voisinage cosmique est bien plus riche et complexe. « Il y a des mondes de glace, des mondes de feu, des volcans actifs en permanence, des océans cachés sous des croûtes de glace… Il ne s’agit pas seulement de huit planètes autour du Soleil », a-t-elle expliqué. En effet, la présence de nombreux corps célestes, comme les objets transneptuniens et les lunes glacées, élargit considérablement le champ d’exploration.
Parmi ces mondes, Titan, la plus grande lune de Saturne, occupe une place particulière. Avec sa surface couverte de lacs d’hydrocarbures et une atmosphère épaisse, elle présente un environnement unique dans le système solaire. La mission Dragonfly, un projet pionnier développé en collaboration avec les États-Unis, se prépare à l’explorer. « Nous allons envoyer un drone, Dragonfly, qui volera à travers l’atmosphère de Titan, explorera des dizaines de kilomètres et nous révélera la composition chimique de ce monde », précise Freissinet. Ce projet, dont le lancement est prévu en 2028, a pour objectif de percer les mystères de cette lune au potentiel extraordinaire.
La quête de la vie au-delà de la Terre
Le désir de comprendre si nous sommes seuls dans l’univers reste un moteur majeur de l’exploration spatiale. « Depuis les débuts de l’humanité, cette question nous obsède : sommes-nous seuls ? Existe-t-il de la vie ailleurs ? », a questionné Caroline Freissinet. Cette quête de la vie extraterrestre se concentre principalement sur les mondes où les conditions pourraient avoir été favorables à l’apparition de la vie, comme Mars.
Mars, souvent perçue comme une planète aride et inhospitalière, cache un passé bien plus dynamique. « Il y a 3,5 milliards d’années, Mars ressemblait énormément à la Terre. Elle était recouverte d’océans, avec une atmosphère et des conditions idéales pour l’apparition de la vie », explique Caroline Freissinet. En étudiant Mars aujourd’hui, les scientifiques espèrent découvrir des traces de ce passé habitable. Des rovers tels que Perseverance collectent actuellement des échantillons du sol martien, dans l’espoir de détecter des signes de vie ancienne. Ces échantillons seront rapportés sur Terre dans le cadre du programme de retour d’échantillons martiens prévu autour de 2040.
Cette recherche minutieuse s’étend également à d’autres corps dans notre système solaire. Titan, par exemple, avec ses lacs d’hydrocarbures, pourrait cacher des formes de vie basées sur une chimie différente de celle que nous connaissons. « La complexité chimique de Titan est l’un des grands mystères de notre système solaire. L’une des questions clés est de savoir si cette chimie a pu évoluer jusqu’à la biologie, c’est-à-dire jusqu’à l’apparition de la vie », ajoute la chercheuse. Les prochaines décennies seront marquées par ces explorations, guidées par des technologies de plus en plus sophistiquées.
L’exploration humaine : un rêve aux défis immenses
Si l’exploration robotique a révolutionné notre compréhension du cosmos, l’exploration humaine reste un fantasme collectif, porté par des figures emblématiques comme Elon Musk. Cependant, pour Caroline Freissinet, la vision de colonies humaines sur Mars est encore très lointaine. « Nous ne sommes pas dans une logique de colonisation spatiale pour échapper aux catastrophes terrestres. L’idée n’est pas de rendre l’humanité multi-planétaire », explique-t-elle, tempérant les rêves futuristes souvent relayés par les médias.
Néanmoins, l’envoi d’astronautes sur Mars est un projet bien réel. « L’homme est un explorateur par nature », déclare Freissinet. La mission d’envoyer des humains sur Mars est en grande partie motivée par cette soif d’exploration, mais aussi par le désir de surmonter les défis technologiques majeurs que cela représente. Voir la Terre comme un simple point dans le ciel, d’aussi loin que Mars, serait une expérience à la fois émotive et symbolique pour tout astronaute.
L’exploration humaine de Mars pose cependant de nombreux défis technologiques. Les astronautes devront trouver des ressources sur place, telles que l’eau et l’oxygène, nécessaires à leur survie. Caroline Freissinet mentionne le projet Moxie, un démonstrateur technologique embarqué à bord du rover Perseverance, qui produit de l’oxygène à partir du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère martienne. Ce type de technologie sera crucial pour rendre possible une mission humaine de longue durée sur Mars.
La nécessité d’une coopération mondiale
Si l’exploration spatiale a longtemps été marquée par la compétition entre puissances, Caroline Freissinet a rappelé que l’heure est désormais à la collaboration. « Aujourd’hui, l’exploration spatiale n’est plus une course, c’est une coopération internationale« , souligne-t-elle. Que ce soit pour la mission Dragonfly sur Titan ou le programme de retour d’échantillons de Mars, les agences spatiales travaillent de concert pour mener à bien ces projets d’envergure.
La France, grâce au CNES (Centre National d’Études Spatiales), est un acteur clé de l’exploration spatiale mondiale. « La France est le deuxième plus grand contributeur à l’Agence spatiale européenne, et elle joue un rôle essentiel dans de nombreuses missions », rappelle Caroline Freissinet. Bien que le grand public soit moins familier avec le CNES qu’avec la NASA, il est important de souligner le poids de la France dans ces projets d’exploration, notamment au niveau technologique.
Les retombées sur Terre : quand l’espace inspire le futur
L’exploration spatiale ne se limite pas à la découverte de nouveaux mondes. Elle a des répercussions directes sur nos vies terrestres. La chercheuse rappelle que l’espace est un formidable terrain d’innovation technologique. Chaque mission spatiale permet de repousser les limites de l’ingénierie, et les avancées développées dans le cadre de ces explorations se répercutent souvent sur notre quotidien. Par exemple, les technologies pour rendre l’air respirable ou pour générer de l’énergie dans des conditions extrêmes pourraient un jour servir à surmonter des défis environnementaux sur Terre.
« Il est essentiel de susciter des vocations scientifiques chez les jeunes générations », insiste Freissinet. Pour elle, l’espace est un vecteur de rêves et de curiosité, un moyen de promouvoir la culture scientifique dans nos sociétés. C’est également un enjeu économique majeur pour l’avenir, car les technologies spatiales contribuent à la durabilité de notre monde.
Le futur de l’espace, une aventure collective
L’exploration spatiale, qu’elle soit robotique ou humaine, est une aventure collective. Elle représente un défi technologique, mais aussi une quête existentielle pour l’humanité. « Comprendre notre système solaire, c’est aussi mieux comprendre notre propre planète et son futur », conclut Caroline Freissinet. À travers des missions ambitieuses comme Dragonfly sur Titan ou le retour d’échantillons de Mars, l’avenir de l’espace est une promesse d’émerveillement, de découvertes et d’innovations qui transformeront non seulement notre vision de l’univers, mais aussi notre avenir sur Terre.
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