L'interview de Boris Janicek, membre de we are_ par Eric Newton
Boris Janicek a rejoint we are_ depuis 2 mois. En parallèle d’une riche carrière suivie dans les grandes maisons de luxe (L’Oreal, Estée Lauder, LVMH, Moët Hennessy), Boris a co-fondé le Club du 21e siècle, dont la vocation est de répandre une idée positive de la diversité et de l’égalité des chances. Boris a aussi fondé en 2013 sa société State of Brand qui accompagne les directions générales dans leur stratégie de marque.
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Parcours et création de State of Brand
J’ai créé State of Brand en 2013, en parallèle au début de mon aventure chez Estée Lauder Companies. A l’époque, j’avais créé cette entité en quittant le groupe L’Oréal et en prenant cette mission de conseil pour le groupe Estée Lauder Companies en Inde et au Moyen-Orient sur un sujet de branding autour de leur marque clinique dans ces 2 régions du monde. L’entité est restée, j’ai eu mes différents emplois en parallèle. Tout récemment j’ai quitté le groupe LVMH et j’ai réactivé cette structure qui est une jolie opportunité pour être dans un type d’activité beaucoup plus agile et souple me permettant de rebondir sur différentes missions dans les univers du luxe aussi bien dans le food mais également dans les cosmétiques.
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Le Club du XXIe siècle
J’en suis co-président avec Laëtitia Helouet. On a deux parcours très complémentaires : j’ai un profil complètement secteur privé, alors que Laëtitia est rapporteur à la Cour des Comptes, donc avec un profil plus secteur public. Ce club a été fondé il y a 16 ans, en 2004, juste avant les émeutes de 2005 qui ont été une prise de conscience que la diversité, l’intégration et l’inclusion devenaient des sujets réellement nécessaires pour que la société française avance, et dans le bon sens. Le club a été fondé juste avant et ces événements lui ont donné un éclairage qui dès l’origine s’est proposé de porter de manière positive et pragmatique l’égalité des chances et la diversité d’origine et culturelle. On est en lien avec les sujets de diversité de genre, de handicap, de préférence sexuelle etc. mais notre angle est la diversité d’origine et culturelle car elle n’est pas très bien portée et assumée en France. Aujourd’hui c’est un sujet qui n’avance pas ou très peu. Les campagnes de testing du Gouvernement montrent qu’à CV égal, une personne d’origine française avait des chances tout-à-fait différentes de parvenir à un même job par rapport à une personne d’origine maghrébine par exemple.
On avance sur ce sujet de manière pragmatique, par des actions de terrain. Les membres du Club du 21e siècle donnent notre temps, notre énergie et notre passion de manière bénévole. On fait profiter notre réseau et notre expérience à des personnes qui ont besoin de ce soutien. Il y a des actions en lien avec l’éducation, du monde de l’emploi. Typiquement, on va coacher et mentorer des jeunes dans les quartiers prioritaires de la ville, des femmes issues de la diversité qui rencontrent donc ce double plafond de verre. Cela a un impact réel et concret qui est mesuré : par exemple, pour 80% des femmes qu’on accompagne, elles se sentent plus en confiance, elles ont-elles-mêmes cassé ces barrières auto-limitantes. En parallèle de cela, on est aussi dans des échanges d’influence positive auprès des dirigeants politiques et économiques pour faire avancer le sujet. Par exemple, un baromètre de la diversité va sortir en collaboration avec McKinsey qui va mesurer la diversité dans les COMEX du CAC40 (et chez leurs N-1).
Aujourd’hui, on ne rentre pas dans un classement des bons et des moins bons, on est vraiment dans une approche positive. On met plutôt en avant ce qui fonctionne et on prépare une boîte à outils destinée aux entreprises pour qu’elles mettent en place la diversité et l’inclusion dans leurs instances et leurs équipes. Aujourd’hui, c’est aussi une question de moyens : je suis passé dans des grands groupes qui ont très tôt compris, au-delà de l’aspect altruiste, l’intérêt de mettre en avant la diversité dans des objectifs de performance économique. Mais il y a aussi des plus petites entreprises qui ont à leur tête des personnes qui sont engagées sur le sujet et qui veulent faire avancer leur business mais aussi la société. On va trouver dans tous les types et strates d’entreprises des bons élèves. Mais si la diversité de genre est un sujet dont les entreprises s’emparent de plus en plus, il y a toujours la diversité d’origine qui n’est pas assez poussé et porté. On s’y attèle au Club du 21e siècle.
Et justement, dans le contexte actuel, on a 2 options : ou on se recentre sur nous-même ou on comprend qu’il y a un réel intérêt social, humain et économique à intégrer la diversité et à faire en sorte qu’elle sera l’une des composantes de la solution du monde de l’après-COVID. Les entreprises prennent de plus en plus le sujet de la diversité à bras le corps parce que l’actualité est là mais également parce que c’est une option concrète de sortie de crise pour pousser encore plus la performance de l’entreprise. Donc on est dans le prolongement de cette nécessité de comprendre la diversité de manière positive et pragmatique comme un levier pour s’en sortir et s’en sortir plus vite.
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Les 3 piliers de la diversité dans l’entreprise
En préambule sur we are_, avec ce que vous avez commencé à faire, à savoir tenter d’inclure un maximum de profils différents, on sent une tendance intéressante. Une collaboration avec le Club du 21e siècle est tout-à-fait envisageable avec we are_. On compte mettre en place une Université du Club 21, qui pourrait se faire en co-production avec we are_.
Au niveau de l’entreprise, il faut premièrement que le dirigeant prenne conscience et le lead sur ce sujet : c’est une démarche qui doit partir de la présidence et de la direction générale pour être ensuite impulsé sur le reste du staff. La deuxième chose, c’est de prendre conscience de ses biens inconscients. La troisième chose, je dirais, c’est aller au bout de la démarche : c’est une chose de parler de diversité, c’en est une autre de l’intégrer concrètement. Le nombre de fois où j’ai entendu de la part de certains chasseurs de tête qu’ils n’arrivent pas à trouver ces profils, alors que si, ils existent. Je reçois depuis que je suis co-président du Club du 21e siècle, je reçois de nombreuses demandes de mise en relation de profils absolument incroyables qui sont issues de la diversité d’origine et culturelle. La diversité, c’est l’étape 1, ensuite il y a l’inclusion qui se travaille au quotidien une fois que la personne est intégrée dans l’entreprise par une sensibilisation des équipes, par une volonté d’objectiver au maximum les critères de performance de chacun, à niveau égal. C’est un travail de longue haleine, cela peut prendre des mois, des années, il faut que le mouvement se lance et se poursuive.
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Souhait pour 2021 et chez we are_
Je nous souhaite à tous pour 2021 beaucoup plus de sérénité, d’apaisement, une sortie de tunnel la plus rapide possible et plein d’embrassades : des hugs, des hugs sans crainte de se refiler quelque virus que ce soit !
J’ai croisé il n’y a pas longtemps dans un café Marc Simoncini. Je l’ai alpagué, je voulais lui parler du Club du 21e siècle. Il m’a dit de le contacter, ça ne s’est pas fait finalement et j’ai cru voir qu’il était membre de we are_ : ce serait avec plaisir d’échanger prochainement Marc, si tu nous entends !