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Une nouvelle ère pour l’intelligence artificielle ? Bruno Maisonnier l’appelle “organique”

09 Avr 2025
Une nouvelle ère pour l’intelligence artificielle ? Bruno Maisonnier l’appelle “organique”

Bruno Maisonnier ne propose pas seulement une amélioration. C’est un changement de paradigme. Sortir de la logique d’hypercalcul pour revenir à la biologie. Remettre le cerveau — et non la machine — au centre de notre inspiration technologique.
Sa vision ambitieuse, presque poétique, mais résolument concrète est la suivante : celle d’une IA organique, réelle, sobre, embarquable, et capable de comprendre le monde.
Et si, après tout, la meilleure intelligence artificielle… c’était la nôtre ?

Le postulat de départ : l’IA actuelle est impressionnante, mais fondamentalement limitée

« Les IA d’aujourd’hui sont puissantes, mais pas intelligentes. »

Bruno Maisonnier commence fort. Selon lui, les modèles comme ceux du deep learning (LLM, GPT, DALL·E, etc.) ne sont que des systèmes d’approximation statistique. Ils reconnaissent, classifient, génèrent — mais ne comprennent pas. Leur fonctionnement est basé sur l’apprentissage massif de données, souvent dans des environnements contraints, et leur capacité à généraliser reste faible.

Il donne l’exemple des voitures autonomes, promises comme imminentes il y a cinq ans et aujourd’hui en test dans des environnements limités et géolocalisés.
Exemple : Austin, Texas.

« Tant qu’on n’invente pas une nouvelle forme d’intelligence artificielle, il est impossible de concevoir une voiture vraiment autonome dans un monde ouvert. »

L’IA actuelle n’est pas capable d’improviser dans des situations inédites. Elle excelle dans la reproduction, pas dans la décision.

« Les IA d’aujourd’hui sont puissantes, mais pas intelligentes. »

Bruno Maisonnier commence fort. Selon lui, les modèles comme ceux du deep learning (LLM, GPT, DALL·E, etc.) ne sont que des systèmes d’approximation statistique. Ils reconnaissent, classifient, génèrent — mais ne comprennent pas. Leur fonctionnement est basé sur l’apprentissage massif de données, souvent dans des environnements contraints, et leur capacité à généraliser reste faible.

Il donne l’exemple des voitures autonomes, promises comme imminentes il y a cinq ans et aujourd’hui largement mises en pause.

« Tant qu’on n’invente pas une nouvelle forme d’intelligence artificielle, il est impossible de concevoir une voiture vraiment autonome dans un monde ouvert. » L’IA actuelle n’est pas capable d’improviser dans des situations inédites. Elle excelle dans la reproduction, pas dans la décision.

La découverte du cortex et le déclic

Le point de bascule personnel de Bruno Maisonnier vient d’un livre : On Intelligence de Jeff Hawkins. Ce dernier propose une hypothèse fascinante : le cortex cérébral est une sorte de machine à séquences, composée de colonnes corticales permettant de traiter toutes les fonctions sensorielles — vue, son, toucher, etc.
« On a tous dans notre tête une sorte de toile cirée froissée, de 2 mm d’épaisseur, tapissée de centaines de millions de micro-colonnes toutes identiques, et pourtant, c’est ça qui porte toute l’intelligence. »
Le cortex ne fait pas de calculs, ne raisonne pas : il enregistre des séquences, les associe, les reconnaît. Il traite du pattern recognition au plus haut niveau, mais sans conscience de l’origine des signaux. Il ne “voit” pas : il traite des flux.
Une image forte : celle de souris à qui l’on croise les nerfs optiques et auditifs. Le cortex s’adapte : les mêmes colonnes traitent la vue ou l’audition avec le même type de canaux et selon les signaux reçus. C’est la preuve, pour Bruno Maisonnier, que le cortex est un outil universel, une base adaptable — un « couteau suisse cognitif ».

Le parallèle avec les termites : de l’émergence à la conscience

Pour faire comprendre comment une IA simple peut donner naissance à une intelligence complexe, Bruno Maisonnier convoque un modèle inattendu : les termites.
« Une termite est une bestiole qui seule, n’a pas conscience de ce qu’elle fait, mais 50 000 termites ensemble construisent une termitière climatisée, avec contrôle de l’humidité, des flux d’air. « 
L’intelligence, pour lui, est un phénomène émergent. Elle n’a pas besoin de conscience individuelle. Il suffit d’une bonne architecture et d’un agencement adéquat des composants de base. C’est exactement ce qu’il cherche à reproduire avec son IA organique.

Une IA sobre, embarquée, adaptative

L’IA organique de Bruno Maisonnier n’a pas besoin de GPU surpuissants ni de millions d’exemples et datas pour fonctionner, à l’instar IA basés sur des modèles de machine learning.
Inspirée du cerveau humain, elle serait capable d’apprendre en continu, il parle d’apprentissage live.
Elles pourraient généraliser à partir de très peu de données et surtout de fonctionner avec une consommation énergétique minimale.
« Le cortex consomme 5 watts. Pourquoi vouloir des modèles qui consomment des mégawatts pour une intelligence plus faible ? »
Chez AnotherBrain, l’entreprise qu’il a fondée, l’ambition est de miniaturiser cette intelligence dans une puce dédiée, embarquable dans n’importe quel objet : un robot, un drone, une voiture, un satellite… ou même, un jour, un bijou personnel.

IA organique vs Deep Learning : un changement de paradigme

Bruno Maisonnier ne rejette pas les IA actuelles. Il reconnaît leurs performances dans certains domaines, notamment en diagnostic médical ou en traitement d’image. Mais il insiste : ce sont des outils d’optimisation, pas des intelligences.
« L’intelligence, c’est faire face à l’inconnu. C’est savoir quoi faire dans une situation qu’on n’a jamais rencontrée. »
Là où le deep learning a besoin de tout voir pour bien réagir, l’IA organique n’a besoin que de reconnaître une structure familière dans une situation nouvelle. Elle fonctionne par analogie, elle s’adapte, comme nous le faisons chaque jour, dans nos décisions rapides, nos intuitions, nos gestes automatiques.

Une ambition claire : construire une IA vraiment utile

L’équipe d’AnotherBrain prépare aujourd’hui un démonstrateur prévu pour juin, avec deux cas d’usage :
L’apprentissage en continu sans perte de mémoire : contrairement aux IA classiques, leur système peut intégrer une nouvelle donnée sans effacer les anciennes (éviter le “catastrophic forgetting”).
La reconnaissance multimodale : sons, visages, objets… avec la même architecture, prouvant sa flexibilité.

Et philosophiquement ?

Bruno Maisonnier n’élude pas la question de la conscience, de l’âme, de l’émotion. Pour lui, les émotions, de par leur utilité sont reproductibles.
« On pourra doter les robots d’émotions, artificielles certes, mais réelles dans leur fonctionnement. »
Et si le cerveau est, comme il le pense, une machine biochimique, alors tout ce qu’il fait pourra, un jour, être reproduit.

Europe, Chine, États-Unis : qui dominera l’IA de demain ?

Autre sujet abordé : la géopolitique de l’IA. Pour Bruno Maisonnier, les États-Unis et la Chine sont loin devant l’Europe, souvent grâce à un savoir-faire… français. Les têtes d’affiche IA chez Google, Facebook, Amazon sont tricolores. La Chine, elle, monte en puissance, avec un système d’éducation ultra-sélectif, une vraie volonté politique et des moyens colossaux.
Il reste optimiste pour l’Europe.
« La France a un ADN scientifique et disruptif. On n’est peut-être pas bons pour industrialiser, mais on est excellents pour inventer. »

Nous avons eu le plaisir de recevoir Bruno Maisonnier lors d’un talk le lundi 7 avril 2025.
Ancien fondateur d’Aldebaran Robotics — l’entreprise derrière les célèbres robots humanoïdes Nao et Pepper — Bruno Maisonnier est aujourd’hui fondateur et CEO de Another Brain.
Il est une figure pionnière de la robotique et de l’intelligence artificielle en Europe. Aujourd’hui, il revient avec une vision radicalement nouvelle : celle d’une IA organique, plus proche du fonctionnement réel du cerveau que des réseaux de neurones qui dominent actuellement la scène mondiale.

À lire pour poursuivre…

« On Intelligence » de Jeff Hawkins

« Organice AI » de Bruno Maisonnier

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