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La paix en 2050 - Général Philippe Pottier

08 Oct 2024
La paix en 2050 - Général Philippe Pottier

Cet article est issu du talk du Général de Division (GDI) Philippe Pottier, expert en géopolitique et directeur de l’École de Guerre, lors de l’événement « We Are Demain », le 21 septembre 2024. 

Le futur de la paix, réflexions stratégiques par le Général Philippe Pottier

A travers des chiffres, des références historiques et des réflexions sur la nature des conflits modernes, le Général Pottier expose les nombreuses complexités qui entourent la quête de la paix à l’échelle mondiale.

Le monde n’aurait jamais connu la paix absolue

« Aujourd’hui, nous comptons une douzaine de conflits majeurs et environ quinze conflits mineurs » affirme le général Pottier. La paix, telle que beaucoup se l’imaginent, n’a jamais été pleinement réalisée à l’échelle planétaire. « L’humanité n’a probablement jamais connu un état de paix absolue », a rappelé le général, soulignant ainsi que la guerre a toujours fait partie intégrante de l’histoire humaine. 

Pourtant, pour les citoyens vivant dans des pays relativement stables, la guerre semble une notion lointaine. Mais le général Pottier nous rappelle que, même dans ces régions pacifiques, la paix reste précaire. En effet, les conflits peuvent surgir à tout moment et impliquer des Nations qui, jusque-là, n’étaient pas directement concernées, la guerre en Ukraine en est un exemple.

De la guerre choisie à la guerre subie, la nouvelle réalité géopolitique.

Selon le Général Pottier, l’Occident a longtemps vécu dans une forme d’illusion, croyant que la paix était un acquis durable et que les guerres dans lesquelles les pays s’engageaient étaient des « guerres choisies ». « Nous sommes allés en Afghanistan en 2001 par solidarité avec notre allié américain après le 11 septembre », a-t-il illustré. De même, la France a refusé de suivre les États-Unis dans leur invasion de l’Irak en 2003, montrant ainsi que ces engagements militaires étaient volontaires et limités.

Aujourd’hui, cependant, la situation a changé. La guerre en Ukraine démontre que les conflits peuvent se produire sans que les Nations n’aient leur mot à dire. « Nous sommes passés d’une ère de guerres choisies à une ère de guerres subies », affirme Pottier. Un retournement majeur dans la géopolitique moderne où les conflits sont désormais imposés par des circonstances, et non par des choix stratégiques.

Comprendre la guerre, une dialectique permanente

Une autre idée clé développée par le Général Pottier est la définition même de la guerre, qu’il décrit comme une « dialectique ». Reprenant les écrits du célèbre stratège militaire Clausewitz, il explique que « la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens ». Selon le Général, la guerre est une lutte pour imposer sa volonté à l’autre par la violence. Et cette violence n’est pas unilatérale, l’adversaire riposte avec la même intensité, rendant ainsi la guerre imprévisible et souvent plus longue que prévu.

« Rien ne se passe comme prévu dans la guerre », affirme-t-il, en prenant comme exemple la situation de Vladimir Poutine, qui a probablement sous-estimé la résistance ukrainienne et l’impact international de son invasion. « Au fur et à mesure que la guerre avance, les objectifs politiques évoluent », explique le Général, montrant à quel point les conflits peuvent dévier de leur trajectoire initiale.

Un autre point important soulevé est le fait que la guerre ne s’arrête que lorsque l’un des deux protagonistes abandonne. Une guerre ne peut véritablement se conclure que lorsque toutes les parties s’accordent sur la fin des hostilités. « Tant qu’un des acteurs refuse de reconnaître sa défaite, la guerre continue », ajoute-t-il, en rappelant l’exemple de Napoléon lors de la Campagne de Russie.

Le rôle crucial de l’ONU dans le dialogue

Le Général Pottier insiste sur l’importance des espaces de dialogue offerts par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Bien que parfois critiquée pour son inefficacité apparente, notamment au niveau du Conseil de sécurité, l’ONU reste un pilier essentiel pour maintenir un dialogue multilatéral.

Selon le Général, la paix ne peut être obtenue sans une volonté collective de dialogue. Il est nécessaire que tous les acteurs, y compris ceux impliqués dans des conflits asymétriques ou transnationaux, aient des canaux de communication ouverts. À ce titre, il affirme que la guerre est une dialectique, et il faut à un moment être autour de la table pour la faire cesser.

Les nouveaux champs de bataille : guerre asymétrique, cyber et influence

« Les guerres modernes ne se limitent plus aux affrontements militaires traditionnels », selon le Général, nous assistons à une évolution des formes de conflits. Aujourd’hui, la guerre prend des formes multiples, notamment à travers des conflits asymétriques opposant les États à des acteurs non-étatiques comme les groupes terroristes ou les mouvements transnationaux.

De nouvelles formes de conflits, basées sur les cyberattaques ou de la guerre cognitive, qui consistent à manipuler l’information pour affaiblir un adversaire ont fait leur apparition et sont particulièrement insidieuses car elles se déroulent souvent en dehors du cadre militaire traditionnel. En 2023, la Revue Nationale Stratégique Française a introduit une nouvelle notion, celle de l’influence. « Gagner la guerre avant la guerre », tel est l’objectif. Cette nouvelle dimension souligne à quel point la stratégie de défense contemporaine inclut désormais des aspects moins visibles, mais tout aussi cruciaux que les opérations militaires conventionnelles.

Former en se préparant à l’inconnu

En tant que directeur de l’École de Guerre, le Général Pottier forme les futurs dirigeants militaires et civils à faire face aux incertitudes du monde contemporain. « Comment enseigner ce que nous ne connaissons pas encore? », s’est-il interrogé. La réponse réside dans la préparation à l’incertitude. « Il faut se préparer à être surpris », a-t-il martelé, car le monde moderne est en perpétuelle mutation, et les réponses d’aujourd’hui ne seront peut-être pas valables demain. Pour cela, le Général prône une ouverture d’esprit totale. À l’École de Guerre, un tiers des stagiaires sont des internationaux, offrant ainsi une diversité de perspectives précieuses pour comprendre les défis globaux. De plus, il insiste sur l’importance de s’intéresser non seulement aux sciences et à la technologie, mais aussi à l’art et à la culture pour développer une approche plus large et plus créative des problèmes à venir. « Celui qui n’est que militaire est un mauvais militaire », affirme-t-il.

Pour conclure son intervention, le Général Pottier rappelle que le futur de la paix repose avant tout sur la cohésion nationale. En prenant l’exemple des Jeux Olympiques, il a montré comment de tels événements créent un sentiment de fierté collective et d’espoir. « Quand on voit cette ambiance positive, j’ai envie de croire au futur ».

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