Tour d'horizon : l'IA et le droit dans le monde

Cet article est issu des différents talks ayant prit place le mardi 11 février 2025, lors de l’évènement « AI in Creation : An Ally or an Alien ? » organisé dans le cadre de l’AI Summit.
Nous avons eu l’honneur de recevoir :
Vincent Fauchoux : Partner DDG and founding Member ILAAI
Stéphane Caron : Partner Gowling WLG (Ottawa) & Founding Member ILAAI
Luca Egitto : IP & Technology lawyer RP legalitax RPLT & Founding member ILAAI
Matt Hervey : Head of Legal & Policy Human Native AI & Founding Member ILAAI
Philippe Gillieron : Partner BMG & Founding Member ILAAI
Tour d’horizon : l’IA et le droit dans le monde
L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle générative pose de nombreuses questions juridiques, notamment en matière de droit d’auteur. Lors de notre événement sur l’IA et le droit, organisé dans le cadre de l’IA Summit, plusieurs experts internationaux ont partagé leurs perspectives sur la reconnaissance et la protection juridique des contenus produits par l’IA.
Les interventions de Vincent Fauchoux, Philippe Gillieron (France), Stéphane Caron (Canada), Luca Egitto (Italie) et Matt Hervey (Royaume-Uni) ont mis en lumière les différences et les points communs dans l’approche de chaque région face à ces nouveaux enjeux. Une question majeure a traversé ces discussions : l’IA peut-elle être considérée comme un auteur et bénéficier d’une protection légale ? Comment les différents systèmes juridiques encadrent-ils la propriété intellectuelle des contenus générés par l’IA ? Si certaines régions adoptent une approche pragmatique en cherchant à réguler ce nouvel environnement, d’autres restent plus prudentes, insistant sur l’importance d’une intervention humaine significative dans le processus de création.
L’approche française : une vision protectrice et inclusive
Vincent Fauchoux a abordé la question sous un angle historique et philosophique en rappelant les réticences initiales face aux nouvelles technologies. Il a évoqué le « syndrome de Baudelaire », en référence au poète qui rejetait la photographie comme une menace pour l’art. Selon lui, l’IA ne doit pas être perçue comme un danger pour la créativité humaine, mais comme un outil permettant d’étendre les possibilités artistiques. Toutefois, il a insisté sur la nécessité d’un encadrement clair pour éviter les abus et protéger les droits des créateurs.
En France, la question de la protection des contenus générés par l’IA s’inscrit dans un cadre juridique riche en protections pour les auteurs. Vincent Fauchoux a mis en avant l’importance de l’empreinte de la personnalité de l’auteur dans une œuvre. Selon lui, le droit français est l’un des plus généreux en termes de protection des créations intellectuelles et pourrait offrir un cadre légal favorable à l’intégration des productions assistées par IA.
Cependant, une distinction majeure demeure : si l’IA est simplement un outil au service de l’artiste, l’œuvre pourrait être protégée, mais si elle est générée de manière autonome, sans apport d’un créateur humain, la protection devient plus incertaine. Cette question rejoint celles soulevées par d’autres intervenants, notamment au Canada et au Royaume-Uni.
L’approche canadienne : une stricte définition de l’originalité
Stéphane Caron a expliqué que, selon la jurisprudence canadienne, une œuvre ne peut être protégée que si elle résulte de l’exercice de connaissances et de talents propres à un auteur humain. Cette approche restrictive exclut toute possibilité de reconnaissance des contenus générés uniquement par des IA.
Il a également souligné que le US Copyright Office adopte une vision similaire, refusant de protéger des créations générées par IA, même lorsque les prompts sont complexes. Cela pose une question essentielle : jusqu’où doit aller l’intervention humaine pour qu’une œuvre soit reconnue comme originale ?
L’approche italienne : vers une évolution du cadre législatif
En Italie, Luca Egitto a expliqué que la Cour suprême italienne a décidé que les créations assistées par IA pouvaient être protégées par le droit d’auteur à condition que la contribution humaine soit démontrable. Cette approche a conduit à une modification de la loi italienne sur le droit d’auteur, intégrant explicitement l’IA dans la législation tout en maintenant l’exigence d’un apport humain.
Ce débat est d’autant plus crucial que l’Italie, à travers son AI Act européen, cherche à poser un cadre clair permettant d’encadrer l’usage des IA dans la création artistique et commerciale.
L’approche britannique : vers une régulation du marché des données d’entraînement
Matt Hervey a mis l’accent sur une question centrale : l’utilisation de contenus sous licence pour entraîner les modèles d’IA. Contrairement aux autres juridictions, le Royaume-Uni se concentre davantage sur la légalité des bases de données utilisées pour entraîner les IA. Les questions de transparence et d’équité dans l’utilisation des contenus créatifs par les modèles IA sont au cœur des débats juridiques actuels.
Les accords récents signés entre des acteurs majeurs de l’IA et des plateformes de contenus, comme Shutterstock, illustrent une tendance vers la monétisation des données d’entraînement. Le modèle britannique présente ainsi une approche plus commerciale que juridique, mettant en avant la négociation de licences plutôt que la protection stricte des droits d’auteur.
Conclusion : une régulation en pleine mutation
L’encadrement juridique des créations générées par IA varie considérablement selon les pays. Si la France et l’Italie commencent à envisager une protection sous conditions, le Canada et les États-Unis restent fermes sur l’exigence d’une intervention humaine significative. Le Royaume-Uni, quant à lui, oriente davantage sa réglementation vers la gestion des droits de données d’entraînement.
Face à ces divergences, une chose est certaine : les réglementations évoluent rapidement et les acteurs du marché doivent s’adapter pour anticiper les changements. Le débat sur la protection des créations assistées par IA ne fait que commencer et influencera sans aucun doute les futures orientations législatives mondiales.
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